LE SOUS-MARIN COMME METAPHORE
DU BAPTÊME CHRETIEN

"Cette eau était une figure du baptême"

La Bible. 1Pierre 3:21


 
Je me suis longtemps interrogé sur la passion de quelques prêtres pour créer des sous-marins, et plus particulièrement deux sous-marins m'ayant servi de modèles. 

Un sous-marin "grandeur", construit en 1879 et disparu en mer en 1880, créé par un pasteur anglais, le révérent George W Garrett.


G. W. Garrett
crédit : http://members.aol.com/marknewell/

La maquette navigante du "Nautilus" de Jules Verne construit par John Dutton pasteur fondamentaliste australien (aujourd'hui directeur laïc d'un établissement d'aide aux jeunes en difficulté).


Le Nautilus de J Dutton
crédit : John Dutton

Que ces prêtres construisent des sous-marins, à taille humaine ou maquette navigante, a de quoi surprendre. Dans notre imaginaire les engins subaquatiques sont considérés comme des machines bourrées de technique et de rationalité, sans aucune relation avec l'esprit et le divin. Surtout pas devrions nous dire ! Comment alors expliquer cet engouement, conscient ou inconscient, de nos hommes d'Eglise ?

Une première piste me fut donnée par le nom du sous-marin britannique disparu en 1880 et renfloué en 1995, un  drole de nom : "Resurgam" ("Résurrection" en français).


Le Resurgam en 1879
crédit : http://members.aol.com/marknewell/

Je rassemble les éléments en ma possession : un prêtre, un sous-marin, de l'eau bien sûr, une renaissance et... ma formation à la préparation des baptêmes des petits enfants qui fit l'amalgame du reste. 

Le puissant "écho" du sous-marin dans certains inconscients s'expliquerait par la relation qui lie le sous-marin au sacrement fondamental du christianisme : le baptême et son signe principal l'eau.

Expliquer le sens du baptême nous aidera à mieux apprécier l'attractivité pour notre imaginaire du sous-marin, ou, si on est pas chrétien, ou ayant perdu toute culture chrétienne, peut-on au moins l'imaginer dans l'inconscient de nos deux prêtres. C'est ce que je vais m'efforcer de démontrer plus loin mais, soyons objectif, il existe d'autres explications que chrétienne, toutes respectables, et je commencerai par elles. Ces éclairages sont d'ailleurs majoritairement proches du sens chrétien, renforcent souvent ses signes, rarement s'en écartent. 

I - L'eau hors du baptême

On connaît l'explication psychanalytique du sous-marin et de son élément : le sous-marin serait une matrice, voire l'homme en devenir et la mer le liquide amniotique. Les premiers instants de la vie se passent dans l'eau, dans le ventre de la mère ; pendant neuf mois, le foetus se développe dans l'apesanteur du liquide amniotique, sa première demeure. De cette appartenance originelle dans l'eau maternelle naîtra le sentiment océanique de la vie (S. Freud, 1929) qui constitue notre archaïque mémoire. Revivons-nous ces instants en nous reconnaissant "dans" ou "comme" un sous-marin ?

On peut évoquer également la mythologie. Dans la plupart des mythes fondateurs ou encore dans la majorité des récits initiatiques, le héros doit, pour prouver sa valeur, affronter et triompher des quatre éléments : le feu, l'eau, l'air et la terre. 
Pour ne parler que de l'eau, on la retrouve comme élément purificateur dans les mythes fondateurs. 
Elle peut servir à laver le héros physiquement et psychiquement de son ancien " moi " impur. Le héros peut aussi être rendu immortel en étant plongé dans l'eau (cf. le mythe d'Achille). Parfois même le héros doit traverser une étendue d'eau pour prouver sa valeur (cf Ulysse dans l'Odyssée). 
Remplaçons à chaque fois "héros" par "sous-marin" et un nouvel éclairage sur notre objet se révèle.

La psychanalyse, la mythologie, l'histoire et la science aussi nous enseignent l'omniprésence de l'eau. Rappelons que les grandes civilisations et les grandes villes se sont édifiées sur l'eau et ont souvent été anéanties par son abondance ou par son manque. Ces civilisations reconnaissaient en dépendre et l'intégraient à leurs mythes. En Inde, les populations vénèrent les eaux du Gange depuis des millénaires, tout comme le Nil qui fut déifié par la religion égyptienne. Sans eau, la vie ne serait pas apparue sur Terre. Lorsque les scientifiques s'interrogent sur la vie extraterrestre ils recherchent d'abord la présence de l'eau.

L'eau nous attire et nous inquiète ; souvent d'une manière inconsciente. En effet, l'eau n'est pas seulement la base de la vie, mais aussi le lien qui relie notre planète aux autres univers. Le Soleil et la Lune, satellite de la Terre, agissent ensemble pour créer le flux et le reflux des marées. De même, la gravité terrestre fait que l'eau se dirige vers les mers et les océans dans un perpétuel mouvement : notre corps est directement uni à l'eau et à l'univers. Malgré nos mutations culturelles, la notion d'eau sacrée reste inscrite au plus profond de l'être humain. 

Tous ces exemples et analyses au gré de nos sensibilités démontrent l'importance attribuée à l'eau. Et le sous-marin dans tout cela ? A l'évidence, le fait d'avoir une machine qui navigue et qui baigne littéralement dans cet élément si riche de sens ne peut qu'avoir une forte "résonance" en nous-mêmes. Et si, comme nos deux pasteurs nous sommes chrétiens, pourquoi nous étonner si notre cerveau nous fait considérer le submersible comme la métaphore du chrétien, celui qui, sortant du fond de l'eau baptisé, naît à une nouvelle vie (resurgam).

II - L'eau dans le baptême

On ne peut respirer dans l'eau. On y meurt. Pour vivre il faut vite en sortir. L'eau est symbole de vie mais évoquer l'eau c'est aussi rappeler comme le fait la Bible, l'autre face de l'élément liquide : la mort avec le déluge, les tempêtes, les naufrages. Deux exemples. Dans l'Ancien Testament, lorsque Dieu veut punir les hommes ou effacer sa création qu'il juge mauvaise, c'est le déluge. Mais lorsqu'il veut sauver l'homme de la noyade il écarte l'eau devant les Hébreux en fuite. 

Vie et mort, dans ce dualisme de l'eau, le symbolisme de la vie l'emporte toujours. Et spécifiquement dans les Evangiles. L'eau qui purifie, l'eau qui sanctifie, l'eau qui chasse les démons, l'eau qui donne une vie nouvelle. Le baptême, symbole de purification et de regénérescence, le christianisme l'affirme pleinement avec son sacrement fondateur.

Ce que je retiens le plus dans le baptême chrétien c'est le cheminement vers cette vie nouvelle affirmée par les Evangiles, autrement dit le "signe du passage", le passage à la vie. Que ce soit le voyage depuis la surface vers le centre de l'eau, ou à l'inverse du fond de l'eau (si sombre et dangereuse) vers la lumière et la vie, tout est passage pour un sous-marin. Dans les premiers baptêmes le futur baptisé entrait en descendant quelques marches dans une cuve baptismale, se baignait entièrement dans l'eau, et ressortait à l'extrémité du bassin par d'autres marches, en homme nouveau. La similitude avec la navigation du sous-marin est ici manifeste.

J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer sur le sous-marin comme métaphore de la vie. Pour résumer, le sous-marin est comme un enfant choyé, élevé avec soin par son père, qui, devenu adulte, poussé par un géniteur conscient de ses devoirs quoiqu'un peu inquiet, doit quitter le foyer pour vivre sa vie. L'éducation (la construction du sous-marin) fut-elle réussie ? Une bonne navigation (la vie réussie) de ce métal devenu machine (l'enfant devenu homme) nous le dira.

Ma dernière thèse renforce cette métaphore de la vie humaine. Car, après la naissance charnelle, pour un chrétien, la vraie vie, la vie vers Dieu et en Dieu, naît du baptême, après l'immersion dans l'eau. Le parallèle est évident avec un sous-marin qui reproduit à chaque instant de sa navigation le signe du baptême.

Le sous-marin se mouvant dans l'eau nous dit, consciemment et inconsciemment, toutes ces choses. 

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Note


Marin Mersenne
(crédit www.ebabylone.com/encyclopedie_Mersenne.html)

On pourrait s'amuser à évoquer d'autres hommes d'église, tous attirés par le sous-marin, mais ici peut-être plus comme scientifiques que prêtres à une époque où le savoir était réservé aux membres du clergé :

1) Marin Mersenne, moine français de l'ordre des minimes (1588 - 1648). Selon quelques sources il aurait dessiné les plans du 1er sous-marin jamais construit (le "XVII" lancé à Saint Malo en 1641 par Jean Barrié ?) Ce sous-marin, vaisseau métallique à rames, pouvait accueillir jusqu'à quatre personnes et était muni d'un sas en cuir. Pour d'autres, il décrivit vers 1634 un sous-marin pisciforme à coque métallique avec canons capables de tirer sous l'eau. Il envisagea même la propulsion à vapeur...

2) L'Abbé (?) Borelli (1608-1678), qui inventa un sous-marin dont la propulsion était assurée par des rames palmipèdes. 


Projet de l'Abbé Borelli
(crédit codingrulz.free.fr/fichiers/hist1.htm)

La plongée était obtenue par la variation du volume de sacs à eau communiquant avec la mer. Un levier de compression actionné à bras agissait sur ces sacs.